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29 janvier 2024

Urothéliomes : le sur-risque des Scottish, aggravé par le tabagisme secondaire

par Vincent Dedet

Temps de lecture  4 min

Une étude américaine vient de démontrer que l'exposition au tabagisme (passif) de Scottish terriers, race prédisposée au cancer vésical, se solde par un sur-risque significatif de développement de ce cancer (illustration : DR).
Une étude américaine vient de démontrer que l'exposition au tabagisme (passif) de Scottish terriers, race prédisposée au cancer vésical, se solde par un sur-risque significatif de développement de ce cancer (illustration : DR).
 

Le propriétaires de chiens, et en particulier ceux de Scottish terriers, devraient éviter d'exposer leurs animaux au tabagisme, pour éviter de favoriser l'apparition d'un cancer de la vessie. Car une étude prospective nord-américaine vient d'identifier une association significative entre niveau d'exposition des chiens de cette race au tabagisme et survenue de ce type de cancer.

Facteurs de risque environnementaux

Les Scottish terriers présentent un risque de survenue d'urothéliome 20 fois plus élevé que les chiens croisés, selon la littérature. Les cliniciens, épidémiologistes et oncologues des universités de Purdue et de West Lafayette (USA) rappellent aussi que ce sur-risque est de l'ordre de 3 à 6 pour d'autres races (les West Highland white terriers, Shetland et Beagles). Les Scotties font donc l'objet d'attentions spécifiques, et les auteurs rappellent qu'ils pourraient aussi servir de modèle à l'évaluation des facteurs de risques environnementaux pour les cancers vésicaux chez l'humain. En oncologie humaine, le tabagisme est considéré comme contribuant à plus de la moitié des cas, devant l'exposition professionnelle aux produits chimiques (solvants en particulier) et à certains aux pesticides, et le cas de la bilharziose dans les pays d'endémie. « Cependant, de nombreux patients atteints de cancer de la vessie et la plupart des chiens atteints d'urothéliome ne présentent aucun facteur de risque connu, ce qui souligne la nécessité d'identifier des risques supplémentaires, en particulier des risques modifiables », au sens de la prévention.

Mises à jour semestrielles

Les auteurs ont d'abord mis en œuvre un suivi de cohorte de 120 Scottish terriers sur trois ans, pour le dépistage de cancers de la vessie : au terme de trois ans, 32 cas ont été détectés, dont les détails ont été publiés par ailleurs. Dans le cadre de cette cohorte, les maîtres devaient répondre à un questionnaire sur leur environnement domestique, la santé et les habitudes urinaires de leur animal, les types de nourriture et d'eau consommés, « les suppléments reçus et les produits chimiques auxquels ils ont été exposés au cours de leur vie, et ils ont mis à jour ces informations tous les six mois ». De même, le poids corporel, la note d'état et les mensurations des chiens étaient renseignées tous les semestres. Mais surtout, les auteurs expliquent que les données d'humaine sur le lien entre tabagisme et cancer de la vessie les ont conduits à consacrer plusieurs questions sur ce sujet dans l'environnement des chiens : les réponses leur permettaient d'évaluer le nombre de paquets de cigarettes fumés sur un an par le ou les maître(s). Enfin, comme le suivi de cohorte prévoyait au moins un prélèvement d'urine, les auteurs ont analysé rétrospectivement ces prélèvements pour doser la concentration en cotinine, un biomarqueur de l'exposition au tabagisme.

Risque x 6 chez les fumeurs

Pour l'analyse des données, les auteurs ont comparé les cas (n=32) aux 88 autres Scottish qui n'ont pas développé de cancer vésical (témoins), puis ont inclus les différentes variables dans un modèle multivarié (permet de se défaire des biais liés aux variables interdépendantes). Les deux sur-risques majeurs identifiés comme associés à la survenue d'urothéliome étaient le fait de vivre à moins d'un kilomètre d'un marais ou d'une zone humide (x 21,23 ; p=0,001), et de vivre au domicile de fumeur(s) (x 6,4 ; p=0,033). Le fait de vivre à proximité d'une zone humide a déjà été identifié comme facteur de risque dans une étude américaine antérieure, et attribué à l'épandage d'insecticides sur ces zones. Pour le tabagisme, « les chiens atteints d'urothéliome étaient exposés à une médiane de 10 paquets-années (intervalle, 0,75-36,0 paquets-années) contre une médiane de 1,5 paquets-années (intervalle, 0,25-7,0) chez les chiens témoins ». Un échantillon urinaire était disponible pour 91 chiens ; Pour 51 d'entre eux, le dosage de la cotinine urinaire a fourni un résultat quantifiable : 18 d'entre eux (35,3 %) ont développé un cancer vésical, contre 6 des 40 chiens (15,0 %) n'ayant pas de concentrations quantifiables de cotinine dans leur urine (p=0,0165). « Les chiens ont pu être exposés à la fumée (tabagisme secondaire) provenant de la fumée exhalée et de la fumée émise par la cigarette allumée. Mais aussi à un tabagisme tertiaire lié aux particules qui se déposent et s'accumulent au fil du temps sur les meubles, la moquette, les rideaux, etc. ». Les auteurs préviennent toutefois que seuls 15 chiens de la cohorte étaient exposés au tabagisme (ce qui ramène à un cas sur deux liés à cette exposition en humaine), mais que des études sur des effectifs plus importants seront nécessaires.

Première démonstration

Autres facteur liés à un sur-risque : l'existence d'antécédents d'infection urinaire (x 3,87 ; p=0,050), et le fait d'être plus âgé au moment de l'inclusion dans la cohorte (+ 38% ; p=0,024). Enfin, le fait de vivre à proximité d'une exploitation agricole était protecteur (91 % de moins de risque de développer ce type de cancer, p=0,001), ce que les auteurs attribuent comme associé à être « éloigné des polluants de l'environnement urbain ». Il reste que la puissance de l'association statistique obtenue par les auteurs entre exposition tabagique évaluée par la cotinine urinaire et le risque de survenue d'urothéliome « est considérée comme très importante ». C'est aussi la première étude à la mettre en évidence chez le chien. Pour les auteurs, deux implications positives ressortent de ces résultats :

  • ils peuvent être utilisés pour soutenir les efforts visant à encourager les propriétaires d'animaux de compagnie à arrêter de fumer, « pour aider leurs chiens comme eux-mêmes » ;
  • ils reproduisent les facteurs de risque identifiés en humaine, confirmant l'intérêt de l'étude de ces cancers chez les races prédisposées, comme modèles d'approche préventive de ces cancers (détection précoce, modalités d'intervention).